Allure, bond, chat et autres homographes
Parmi le millier de faux-amis français-anglais, il est un sous-ensemble certes comportant peu d’éléments mais intéressant : celui des homographes. Par ce terme, les linguistes désignent les mots qui en français et en anglais ont une orthographe identique sans avoir ni sens voisin ni étymologie commune. Parfois la raison en est que le mot anglais provient du germanique alors que le mot français provient du latin. Dans d’autres cas, les mots sont chacun un emprunt à l’ancien français ou au moyen français mais de mots différents ou encore proviennent de deux mots latins différents.
Voici quelques exemples qui n’ont pas la prétention de constituer une liste exhaustive des homographes français-anglais. J’invite mes lectrices et lecteurs à la compléter.
Allure
Le verbe anglais signifie attirer ou tenter par quelque chose de flatteur ou de désirable, fasciner, charmer. Ce verbe est un emprunt au Moyen Français alurer = utiliser un leurre (=lure en anglais moderne) mot tiré du vocabulaire de la fauconnerie. Le leurre désignait un morceau de cuir rouge auquel un appât était attaché pour faire revenir le faucon. Ce mot provient du francique *lopr=appât[1], cf. luoder= appât en moyen haut allemand. De la fauconnerie, le sens du mot leurre a évolué pour signifier du XIVème au début du XVIIème siècle « artifice qui sert à attirer quelqu’un pour le tromper »[2]. De cette acception on voit aisément l’évolution du sens du verbe anglais.
En français, le mot allure signifie manière d’aller, de se mouvoir ou, par extension et au figuré, manière dont se présente une personne ou une chose. Le mot provient de l’ancien français aleure=vitesse de déplacement, train, marche[3] lui-même dérivé du verbe aller[4].Nous sommes donc bien loin du leurre !
Bond
En anglais moderne le mot signifie une obligation= lien de droit entre une ou plusieurs personnes comme dans l’expression My word is my bond= la parole que je donne est mon obligation. Il signifie également une obligation au sens d’instrument financier négociable. Ce mot, provenant de Scandinavie, fait son apparition vers le XII ème siècle avec le sens de choses qui lient rappelant le mot français bande. En moyen anglais, le mot bond a pris le sens de serf donc de personne liée à la terre d’où le mot bondage=état de servitude, esclavage. Au XIVème siècle, le mot bond a pris le sens d’accord qui lie[5].
En français moderne, le bond donne l’idée de saut, de mouvement. Le sens premier de bondir était retentir qui était encore un sens usuel au XVIème siècle [6]. Selon le Trésor informatisé de la langue français , il s’agit d’un « Emprunt au latin vulgaire bombitire, var. de *bombitare fréquentatif de bombire « bourdonner (des abeilles) », lui-même dér. de bombus « bourdonnement des abeilles, bruit retentissant », gr., onomatopée ; le changement de sens est dû à un changement de registre : à l’impression auditive de sons montants et descendants s’est substituée une impression visuelle de même rythme. »
Parmi les autres homographes, signalons :
Chat =bavardage en anglais, provenant du gothique de l’ouest, sens bien éloigné de l’animal domestique auquel il nous arrive de donner notre langue. Le mot français provient du latin cattus qui serait un emprunt d’une langue africaine[7].
Chair= morceau de viande en français, de caro carnis en latin et =chaise en anglais, de cathedra en grec.
Comment= commentaire en anglais, de commentum=interprétation, invention, du participe passé de comminisci= penser à, inventer ; comment= interrogation en français, de comme au IXème siècle, de quomodo ablatif de quis=chacun et modus=mode[8].
Courtier. En anglais, le mot signifie à la fois une personne présente à la cour royale et aussi un flatteur. L’anglais a emprunté le mot à l’ancien français cortier=juge[9]. En français, le mot signifie un intermédiaire. Il provient de de l’ancien français courretier, curratier ou corratier tous dérivés de courre /courir car l’intermédiaire courrait entre l’acheteur et le vendeur[10] !
Don. Le don britannique comme verbe signifie mettre un article de vêtement (don her gloves=mettre ses gants, contraction de do on= mettre attesté au XIVème siècle) et comme nom soit un professeur d’université soit un chef de la Mafia. Ces derniers sens proviennent du latin dominus= seigneur, maitre. Le don français provient du latin donum= action de donner.
Dot. Le mot français provient également du latin classique dos, dotis du même sens avec toujours l’idée de donner. Le mot anglais qui signifie aujourd’hui un point comme celui mis sur la lettre « i » provient du vieil anglais dott=tache, manifestation d’une folliculite. Le sens de petite tache est apparu en 1674 et celui de petite marque ronde en 1748[11].
Fat. Le sens anglais de graisse provient du vieil anglais faetten= bourrer, à rapprocher de l’allemand Fett= graisse alors que le mot français provient du latin classique fatuus=fade, extravagant, insensé. Rabelais en 1534 utilise[12] le mot fat dans le sens de sot et Boileau en 1666 dans le sens de « personne pleine de complaisance pour elle-même »[13]
[1] Bloch et von Wartburg Dictionnaire étymologique de la langue française sub nom. leurre
[2] Trésor informatisé de la langue française (Trésor) sub nom. leurre
[3] Trésor sub nom. allure
[4] Bloch et von Wartburg aller
[5] Chambers Dictionary of Etymology
[6] Bloch et von Wartburg sub nom. Bondir, Trésor id.
[7] Bloch et von Wartburg signalent le mot nubien kadis=chat et le mot berbère kadiska =chat et estiment que cat en anglais et Katze en allemand proviennent du roman
[8] Rey Dictionnaire historique de la langue française
[9] Godefroy Lexique de l’ancien français
[10] Bloch et von Wartburg, Trésor sub nom. Courtier
[11] Chambers dot
[12] Rabelais, I, 21, Trésor.
[13] Satire, V, 5
“En charge de”
Si le journal Le Figaro estime utile de mettre en ligne un outil, le Conjugueur ( http://leconjugueur.lefigaro.fr/) pour aider à maitriser les difficultés du français, ses journalistes truffent leurs articles d’anglicismes. Voici l’un des plus répandus et des plus faciles à corriger : l’emploi de l’expression en charge de. Exemples recueillis au hasard des pages récentes du Figaro :
Le 27 juillet 2016, Caroline Piquet, écrivait : « En mars 2016, la juge d’instruction en charge du dossier… » et « Pour savoir si elle devait libérer ou non terminé, la juge antiterroriste en charge du dossier c’est en partie reposée… » (« Adel Kermiche, sous bracelet électronique, a-t-il trompé les juges ? »).
Le 19 aout 2016, p. 6 Thibault Varga écrit « … Norbert Pap, historien et géographe de l’université de Pécs, en charge de l’équipe de recherche. » (« Soliman le Magnifique en terre hongroise ») et, même page, Nicolas Barote écrit : « Ils sont en charge de cette question au niveau régional. » (« Le débat sur la burqa resurgit en Allemagne »)
Comme l’a observé l’Académie française dans sa chronique Dire/ ne pas dire, « l’expression « être en charge de » est un anglicisme très répandu qui remplace trop souvent les expressions justes Avoir la charge de, Être chargé de. » L’académie en profite pour fustiger également les anglicismes Être en responsabilité de ou Être en capacité de. (http://www.academie-francaise.fr/en-charge-de-en-responsabilite-de-en-capacite-de)[1] .
Cette locution est un calque de l’anglais in charge of. Les mots charge en français et en anglais ont la même étymologie, carricare en bas latin, dérivé de carrus=chariot, mettre quelque chose dans un chariot. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, l’usage anglais ne différait pas du français. Ainsi, dans Comedy of Errors , Shakespeare fait dire à Antipholus: “Where is the gold I gave in charge to thee?” (Acte 1, sc.2) =où est l’or dont je t’ai donné la charge. Comme en français, l’anglais utilise le mot charge pour signifier le poste que l’on occupe ou que l’on achète. Vers le milieu du XIXème siècle, sans doute par extension du sens de poste ou charge, l’usage anglais commence à évoluer outre la voix passive traditionnelle the children are in charge of the nurse on voit apparaitre la voix active the nurse is in charge of the children (Oxford English Dictionary « OED » sub nom. Charge.) Ainsi, l’OED note qu’en 1859 Florence Nightingale dans ses Notes on Nursing iii.24 écrivait “No one seemed to know what it is to be “in charge” or who was in charge”.
C’est donc cet usage récent de la voix active en anglais qui continue d’être calqué en français par paresse intellectuelle et sans égards au bon usage.
[1] Cf. aussi les remarques de l’Office québécois de la langue française http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=844
Sus aux solécismes, haro sur les barbarismes
L’Académie française, dans la huitième édition de son Dictionnaire, soulignait que « Le barbarisme et le solécisme sont les deux principaux vices d’élocution ”. Quelque grande puisse être l’influence du milieu anglophone dans lequel nous vivons, les expatriés se doivent de corriger ces vices.
Pour mémoire, selon le même Dictionnaire ,le solécisme est « une faute contre la syntaxe au regard de la grammaire » alors que le barbarisme est « une faute contre le langage soit dans la forme ,soit dans le sens du mot (mot créé ou altéré ,dévié de son sens ,impropre….Faute caractéristique d’un étranger (gr. barbaros) particulièrement celle qui consiste dans l’emploi d’une forme inexistante, par opposition avec le solécisme, qui est l’emploi fautif dans un cas donné d’une forme par ailleurs correcte. Nominer pour nommer, citer est un barbarisme. »
Lors d’une récente réunion d’expatriés, l’animateur avait demandé à plusieurs expatriés de faire une courte présentation sur l’activité du domaine dudit membre. Les solécismes et les barbarismes émaillant les discours étaient affligeants pour qui respecte la langue française.
La perle des solécismes revient à un intervenant qui a commencé son intervention par la phrase : « J’écoutais ce que vous parliez ». Non, je n’invente pas !
Les barbarismes sont beaucoup plus fréquents que les solécismes dans la bouche des cadres expatriés.
Nombre d’entre eux sont l’expression d’un laxisme lexical, d’une paresse intellectuelle, de snobisme et d’un manque inadmissible de respect de la langue française. Comment autrement qualifier le discours tenu par un des expatriés : « Anyway, il faut continuer… », ou ordonnant à un des intervenants de « faire ton overview rapidement » et, plus tard, ajoute qu’il faudra convaincre « d’autres villes on the road » de participer.
Les intervenants qui parlèrent d’une certaine industrie ont fait assaut de barbarismes en observant que dans cette industrie, le « retail » était « drivé » par ceci ou cela. Le « commerce de détail » et son pendant le « commerce de gros » ont-ils disparus ? Au lieu de « drivé » pourquoi ne pas dire « mus par les moteurs.. ». Le barbarisme « retailization » m’a laissé pantois .Il est nécessaire de dire « tendance » au lieu de « trend ».
De même, « data center » ou « centre de data » doit céder la place à « centre de données » et n’est-il pas plus exact de dire « amélioration de la performance » au lieu de « augmentation de la performance »?
Plusieurs barbarismes méritent une mention particulière :
« Challenge »
Plusieurs intervenant ont employé le mot « challenge », l’un d’entre eux ayant même poussé le vice jusqu’à dire « être challengé ». Le mot « challenge » existe bien en français mais pas dans le sens de la phrase. En français moderne un « challenge » selon le Trésor de la langue française est une « Épreuve périodique entre deux sportifs ou deux équipes pour la conquête d’un titre ou d’un trophée (coupe, statue, etc.) que le vainqueur garde en dépôt, puis cède au vainqueur d’une nouvelle épreuve. Lancer, gagner un challenge; faire disputer un challenge. ».Le sens sportif du mot nous vient de l’anglais : vers 1380 le mot anglais « challenge », emprunté au vieux français, avait pris le sens de « défi dans un combat ». En ancien français, le mot « chalongier » ou « chalengier » signifiait « chicane, attaque, défi » (XIIe s.).Le mot provenait du latin classique calumnia terme juridique « accusation fausse, chicane » formé sur le participe du verbe « caluor » = »chicaner, tromper » puis « réclamation, accusation, litige » en latin médiéval.
L’Académie dans sa 9ème édition estime que ce mot doit être écrit « chalenge » car « (On écrit aussi, moins bien, Challenge.) et que le sens de « provocation, défi » est un emploi déconseillé.
Ainsi, pour être correct, il convient d’employer le mot « défi » pour traduire « challenge » sauf si le contexte sportif permet l’emploi du mot « challenge ».
« basique »
C’est un faux ami qui est encore une mauvaise traduction de l’anglais « basic ».L’Académie dans la neuvième édition de son Dictionnaire limite l’emploi de l’adjectif basique à la chimie (= qui a les propriétés d’une base) et à la minéralogie (=roche ou sol de composition alcaline).Il fallait dire choses relativement élémentaires.
« profitabilité »
Si les mots « profit » et « profitable » sont acceptés dans la 9ème édition du Dictionnaire de l’Académie, le mot « profitabilité » n’y figure pas. Il en est ainsi dans le Trésor de la langue française (Tl). Il faut dire plutôt « rentabilité » (=Aptitude à engendrer des profits, des bénéfices » Tlf.).Notons que « profit » n’a pas qu’un sens matériel .Selon la 9ème édition le « profit » : est un « Avantage d’ordre pratique, moral ou intellectuel que l’on retire d’une chose, bénéfice…ÉCON. Revenu résiduel, correspondant aux recettes d’une entreprise desquelles on a soustrait les coûts de production et de distribution des biens et des services produits. Profit d’exploitation. Compte de profits et pertes, Passer par pertes et profits. »
« Flop »
Un des intervenants estima que la stratégie de diversification d’une certaine industrie avait été un « flop ». Ce mot ne figure ni à la 9ème édition du Dictionnaire de l’Académie ni dans la base informatique du Tlf. Si certains dictionnaires, Larousse ou Robert, le mentionnent, ils s’accordent à considérer que cet anglicisme est d’un emploi familier utilisé principalement pour indiquer l’échec d’un roman ou d’une pièce de théâtre.
Dans Les Mémoires d’Outre-tombe (t.2, 1848, p.702) Chateaubriand observait qu’ « Une langue (…) ne saurait changer sa syntaxe qu’en changeant son génie. Un barbarisme heureux reste dans une langue sans la défigurer; des solécismes ne s’y établissent jamais sans la détruire. » Très rares, sinon inexistants, sont les barbarismes faits par les expatriés que l’on pourrait objectivement considérer comme des barbarismes heureux car, pour l’essentiel d’entre eux ils ne sont que l’expression du laxisme lexical précité.
Trentenaire
Suite à mon billet sur les quarantenaires mon ami Jean-Martin m’écrit: “c’est bien aussi de trentenaire (et pas de trentagénaire!) que je qualifierais une personne ayant de 30 à 40 ans… ». Cette pertinente observation mérite examen car, bien entendu le mot « trentagénaire » n’existe pas plus que les mot « vingtagénaire » ou « vingtenaire » !
Le mot « trentenaire » est d’apparition récente .On le trouve pour la première fois dans la 7ème édition du Dictionnaire de l’Académie française (1878) avec le même sens que dans le Littré (1872, suppl.1877) : durée de 30 ans. C’est encore ce sens que donne la 8ème édition de 1935.
Cependant, les dictionnaires plus récents manifestent une confusion certaine. Tous reprennent le sens précité mais si le Dictionnaire culturel en langue française publié en 2005 sous la direction d’Alain Rey en reste là, le Dictionnaire historique de la langue française (1992) aussi publié sous la direction d’Alain Rey ajoute, comme le fait le Petit Larousse, le sens de « qui a entre trente et quarante ans ». Le classique Robert ajoute également le sens de « Dont l’âge est compris entre trente et trente-neuf ans » mettant en évidence l’erreur commise par le Petit Larousse et par le Dictionnaire historique.
Le Trésor de la langue française indique que le sens de « personne âgée de trente ans » est rare donnant un article du Nouvel Observateur de 1981 comme emploi.
Faut-il donc accepter le sens de « qui a entre trente et trente-neuf ans » ? L’Académie française n’étant pas encore arrivée à la lettre T dans sa 9ème édition, il nous faut l’attendre pour être définitivement fixé. Entretemps, vu l’absence d’autre mot pour ce sens, je crois ettre cet emploi du mot « trentenaire » justifié.
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Quarantenaire ou quadragénaire ?
Dans l’édition du 22 janvier 2013 (Sports p.3) Marc Antoine Godin journaliste sportif au quotidien canadien La Presse signe un article intitulé “La fougue des quarantenaires » dans lequel il admire les prouesses de joueurs de hockey frisant la quarantaine comme Alex Kovalev ou comme Jaromir Tagr et Ray Whitney qui eux ont une quarantaine bien sonnée. Le mot « quarantenaire » pour désigner une personne ayant entre 40 et 49 ans est-il bien utilisé par M. Godin ?
Le suffixe « –aire » ajouté à un adjectif numéral dénote en règle générale la durée. Ainsi « trentenaire » signifie une durée de 30 ans ou qui existe depuis 30 ans. : le droit connait la prescription trentenaire. On utilise cette forme aussi pour signifier un anniversaire : le cinquantenaire de la découverte de la pénicilline. Si les dictionnaires (Larousse, Robert, Trésor de la langue française (Tlf) et Dictionnaire de l’Académie française) nous donnent des noms formés par l’adjonction du suffixe « -aire » sur les chiffres 30,40, 50, 100, 150 ,200,300 400 et mille on peut s’étonner que le mot « soixantenaire » ne figure dans aucun d’entre eux et que pour 70,80 et 90 il faille se tourner vers l’usage suisse et belge ou l’on retrouve « septantenaire » « huitantenaire » ou , plus rarement, « octantenaire » et « nonantenaire ».Notons que certains dictionnaires en ligne sans donner de sources ajoutent le mot « soixantenaire ».
Le mot « quarantenaire » utilisé par M. Godin est intéressant. A la différence des autres mots formés sur les adjectifs numéraux, ce mot a plusieurs sens bien différenciés. Le sens le plus ancien attesté dès 1634 appartient au vocabulaire de la marine : le mot signifie « cordage qui sert à redoubler les autres » (Trésor de la langue française, Dictionnaire culturel de la langue française d’Alain Rey). A la même époque, selon la 9eme édition du Dictionnaire de l’Académie française, le mot prend aussi le sens de « qui dure 40 ans ». Au milieu du XIXème siècle, le mot « quarantenaire » est utilisé dans le sens de « relatif à la quarantaine sanitaire, personne qui est soumise à une quarantaine, lieu assigné pour une quarantaine » (Dictionnaire Culturel précité, Robert et Larousse.).
Si Péguy écrivait « Le quarantenaire ne devient pas cinquantenaire, il devient historien » ( Clio ,1914, p.249) tant le Tlf que le Dictionnaire de l’Académie estiment qu’il ne faut pas employer le mot « quarantenaire » pour désigner une personne ayant la quarantaine mais qu’il faut lui préférer le classique « quadragénaire”. Ceci explique sans doute pourquoi la version en ligne de l’article de M. Godin a été corrigée, substituant « quadragénaire » à « quarantenaire » qui figurait dans la version papier vendue au public : http://www.lapresse.ca/sports/hockey/201301/21/01-4613520-la-fougue-des-quadragenaires.php !
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Le bon usage: “vicinité” ou “proximité” ?
Dans un récent courriel, Antoine informait ses correspondants qu’il recherchait un restaurant « dans la vicinité des pistes de ski ».Si le mot vicinité évoque le mot anglais vicinity, est-il français ? Malheureusement il ne l’est plus mais ce mot, devenu un barbarisme, va nous permettre de découvrir les liens entre les mots vicinal, paroisse, ville, économie, œcuménique, vilain, et écologie !
En ancien français, c’est-à-dire, dans le français en usage entre la Chanson de Roland (1080) et 1340, le mot vicinité existait bel et bien, signifiant, depuis son apparition au XIIème siècle, « voisinage, proximité ».Le mot vient du latin uicinus qui signifiait « venant du même quartier ou du même village » .
L’emploi du mot vicinité est devenu de plus en plus rare en moyen français (1340-1611) pour disparaître complètement en français moderne. Il n’est pas dans la 1ère édition de 1694 du Dictionnaire de l’Académie française et le mot vicinal, qui désigne les chemins reliant les villages, n’apparaît la première fois que dans l’édition de 1835 ! C’est d’ailleurs le seul sens admis pour ce mot ! Auparavant, au XVIème siècle par exemple, c’était le mot voisinal qui était utilisé dans le même sens.
En anglais, le mot, emprunté à l’ancien français, fait son apparition vers 1560 pour signifier quartier, voisinage, sens qu’il a conservé encore aujourd’hui.
Le mot latin uicinus[i], dérivé de uicus =pâté de maisons qui venait lui-même du grec. οἶκος =maison .La racine proto-indo-européenne, u̯eik̂-, u̯ik̂-, u̯oik̂o- (*du̯ei- kṣayati) ,signifie maison, habitation elle-même dérivée de k̂Þei- racine reprenant l’idée de sédentarisation et même d’accession à la propriété ( racine kÞē(i)-, kÞǝ(i)-).C’est ce qui explique que dans les très vieilles langues dérivées du proto-indo-européen, comme le sanscrit ou le vieil hindou on retrouve des mots formés sur la racine vis dont certains signifient maisons ou habitation (víś-), d’autres citoyens (víśaḥ) ou encore propriétaire de maison (viś-páti-)[ii].
Du grec οἶκος est venu le mot p£roikoj = celui qui habite près de d’où paroisse et le mot anglais parochial =qui a trait à une paroisse, ainsi que les mots économie, œcuménique et écologie !
Du latin uicus est dérivé le mot latin villa qui signifiait d’abord maison de campagne puis village et ville sans oublier vilain !
[i] Rappelons à nos jeunes lecteurs qu’en latin la lettre “v” était prononcée “w” :c’est pourquoi les dictionnaires étymologiques du latin, et des langues qui le précédèrent, souvent substituent un « u » à la place du « v ».
[ii] A Proto-Indo-European Language Lexicon, and an Etymological Dictionary of Early Indo-European Languages,http://dnghu.org/indoeuropean.html ,une banque de données établie à partir de J. Pokorny “Indogermanisches Etymologisches Wörterbuch”, corrigé par George Starostin (Moscow), A. Lubotsky sub nomine u̯eik̂-, u̯ik̂-, u̯oik̂o- (*du̯ei- kṣayati)
“Sponsoriser”,”Panélistes”,”basique” et autres solécismes et barbarismes
Si, comme le soulignait l’Académie française, dans la huitième édition de son Dictionnaire, « Le barbarisme et le solécisme sont les deux principaux vices d’élocution ”, les intervenants lors de l’assemblée générale du Cercle des Cadres Expatriés se doivent de corriger ces vices.
Pour mémoire, selon le même Dictionnaire ,le solécisme est « une faute contre la syntaxe au regard de la grammaire » alors que le barbarisme est « une faute contre le langage soit dans la forme,soit dans le sens du mot (mot créé ou altéré,dévié de son sens,impropre….Faute caractéristique d’un étranger (gr. barbaros) particulièrement celle qui consiste dans l’emploi d’une forme inexistante,par opposition avec le solécisme,qui est l’emploi fautif dans un cas donné d’une forme par ailleurs correcte. Nominer pour nommer, citer est un barbarisme. »
Voici quelques exemples de solécismes ainsi relevés :
« Il y a deux personnes que je veux remercier, le premier c’est.. » : sans commentaires.
« Je pensais avoir fermé la vente » : il est clair qu’il s’agit d’un calque de l’expression anglaise « to close the sale ».Faut-il dire boucler dont le sens familier est de mettre un point final à quelque chose comme dans boucler son budget, ses comptes? Non car boucler ne reprend pas l’idée de succès qu’exprime l’anglais. Fallait-il alors dire clôturer la vente? Surtout pas!L’Académie dans la neuvième édition de son Dictionnaire, en cours de parution, dit de clôturer que « Ce verbe n’a pas d’emploi figuré. Dans le sens de terminer on ne doit pas utiliser clôturer mais clore ou des périphrases telles que mettre un terme à, mettre fin à ».Le verbe clore, comme le verbe boucler ne rend qu’imparfaitement l’idée de succès .Il fallait dire conclure la vente. En effet, conclure signifie « f ixer définitivement, établir par un accord…conclure un marché ».
« Un vice président en charge de.. » : encore une traduction littérale de l’anglais «.in charge of ».Il faut dire responsable de ou chargé de comme dans les expressions un chargé d’affaires ou de mission.
« Il s’agit de choses relativement basiques » encore une mauvaise traduction de l’anglais « basic ».L’Académie dans la neuvième édition de son Dictionnaire limite l’emploi de l’adjectif basique à la chimie (= qui a les propriétés d’une base) et à la minéralogie (=roche ou sol de composition alcaline).Il fallait dire choses relativement élémentaires.
Voici quelques exemples de barbarismes aussi relevés :
« Faire du matching » :l’idée est de trouver des partenaires qui est l’usage premier du mot match en anglais quand il fit son apparition au XVIème siècle.Le mot matcher est un québécisme.Il faut dire assortir ou appareiller.
« Nos speakers » pourquoi éviter de dire « nos orateurs » ou « nos conférenciers”, mots qui ont le mérite d’être français?
« Panélistes » .Le mot panel existe en français. C’est un emprunt récent –années 1950- à l’anglais. Le mot anglais est emprunté à l’ancien français panel dont la racine est pan signifiant un morceau d’étoffe. Panel dans le sens de «coussinet de selle» est attesté dès 1160-74 et est devenu panneau en français moderne .Son sens a évolué en Angleterre pour désigner un morceau de parchemin puis le parchemin sur lequel était inscrit la liste des jurés puis le jury lui-même. L’Académie est formelle : le mot panel en français « Ne doit être employé qu’en parlant de sondages d’opinions. ».Pour éviter le barbarisme qui consiste à utiliser le mot panel pour autre chose que des sondages d’opinion, il convient de dire table ronde ou réunion débat et les intervenants de nos tables rondes à la place de panéliste mot qui n’existe pas en français.
« Sponsor » : voici encore un emprunt au latin qui signifiait « garant, répondant de quelqu’un » et en latin chrétien « parrain, marraine » .L’acception utilisée par calque sur l’anglais est un barbarisme si flagrant que les arrêtés du 17 mars 1982 et du 24 janvier 1983 furent promulgués pour recommander l’usage de commanditaire pour éviter cet anglicisme (Néol.off.1988, nos 2093 et 409).A bon entendeur salut.
« Sponsoriser » : le mot propre est parrainer que l’Académie défini comme : « 1-soutenir de son influence ou de son autorité morale une personne, un projet ou une œuvre parrainer un comité de sauvegarde.2-Accorder son soutien financier à une entreprise, à une manifestation » .Il fallait donc dire parrainer au lieu de sponsoriser.
« Avoir du feedback en live » : pourquoi pas tout simplement « avoir des réactions en direct »?
« Les meetings one on one »:le mot meeting est ici un contresens puisque par définition un meeting en français n’est qu’ « une grande réunion publique ».Il s’agit donc d’un barbarisme doublé d’un solécisme.Il fallait bien sûr dire « les réunions individuelles ».
Pourtant si des barbarismes tels que « faire un cost play », « un meeting de négociation « ou encore le bottom line sont la patente manifestation d’un laisser-aller du plus mauvais aloi que dire du snobisme de certaines personnalités de la scène politique française qui dans leurs discours officiels crurent bien d’émailler leurs propos d’expressions anglaises telles que : « le fait d’être both ways « , »C’est good news.. » ou encore « il ne faut pas voir les chose one way« . Laissons au lecteur le soin de juger (voir aussi Le bon français et les bonnes résolutions ) .
Si le solécisme vient du nom d’une colonie d’Athéniens établis à Soles en Cilicie qui parlaient un mauvais patois, n’incombe-t-il pas aux membres du Cercle des Cadres Expatriés de cesser de parler un charabia dans lequel mots français et anglais s’entrechoquent et choquent?
Qui décide du bon usage?
Nous savons tous que l’arbitre ultime est le Dictionnaire de l’Académie française mais ce que nous ne savons pas est comment l’Académie décide que tel usage doit être accepté ou rejeté ou que tel néologisme peut rentrer dans notre belle langue. Pour comprendre ces mécanismes et le rôle des multiples commissions de terminologie et de néologismes des ministères, écoutez Mme Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, présidente de la Commission de la langue française expliquer comment un mot devient digne de figurer au Dictionnaire de l’Académie française :cliquez ici
Par contre ou en revanche?
Hier soir nous dînions avec des amis en Périgord. L’une des convives commence une phrase en disant « Par contre » et se fait reprendre par notre ami belge Yves au motif qu’il s’agit d’une expression provenant du français belge et non pas du bon français. Interloqué ,je lui demande de préciser et il nous dit que lui-même s’était fait gourmander par Maurice Druon, académicien, qui lui avait soutenu que « par contre « était une expression belge et qu’il fallait, en bon français dire « en revanche ».
Qu’en est-il?
Selon le Trésor de la langue française (Tlf), « par contre » est une locution adverbiale marquant l’opposition à un énoncé antérieur citant ,entre autres, Guy de Maupassant : »Si le jardin se trouvait à l’ombre ,la maison, par contre, était en plein soleil » (Contes et Nouvelles t.1Dimanches bourgeois, Paris 1880,p.297).Selon Grévisse ,les expressions « en revanche » ou « en compensation » « ajoutent à l’idée d’opposition une idée particulière d’équilibre heureusement rétablie » alors que ‘par contre » exprime « d’une façon toute générale l’idée d’opposition et a le sens nu de mais d’autre part, mais d’un autre côté ».
Si le Tlf indique dans la rubrique « Revanche » que l’expression en revanche » a pour synonyme « par contre” certains puristes à une certaine époque ont voulu remplacer « par contre » par « en revanche » .Ainsi que l’observa Albert Doppagne : »le succès qu’ont réservé à par contre la plupart des écrivains du XXème siècle, le fait qu’il ne soit pas toujours remplaçable par les locutions par lesquelles on propose de le remplacer, légitiment tout à fait l’utilisation de cette locution » (Trois aspects du français contemporain,1966,pp193-197).
A table, tous s’accordèrent à dénoncer les périls auxquels s’exposent ceux qui, ayant acquis la notoriété dans un domaine, utilisent celle-ci pour faire des déclarations, souvent ô combien dogmatiques, sur des sujets ne relevant pas de leur spécialité.
Le bon usage:pallier
Maurin Picard ,commentant la décision de l’Egypte de relancer son projet de construction d’un réacteur nucléaire civil, écrit : » l’Égypte envisage à nouveau de construire sa première centrale nucléaire pour pallier à ses besoins énergétiques » ( Le Figaro 8 mai 2009 « Nucléaire : un rapport de l’AIEA met en cause l’Égypte »).
L’emploi du verbe pallier est ici une double faute.Ce verbe a plusieurs sens:(a) il signifie « dissimuler ,faire excuser un défaut ou une faute en présentant sous un jour favorable« .C’est dans ce sens que Simone de Beauvoir écrit: » Il partait dans la vie les mains vides, et méprisait les biens qui s’acquièrent. Pour pallier cette indigence, il ne lui restait qu’une issue: paraître « ( Mémoires d’une. jeune. fille, 1958, p.36) (b) en médecine,il signifie « atténuer le mal sans guérir « .C’est ainsi que l’utilisait Cocteau : »Jadis je palliais la fréquence de ces crises par l’opium « ( Difficulté d’être,1947 p.237.Le verbe ,au figuré ,a pris le sens de « atténuer,remédier à un inconvenient ou une situation facheuse en apparence ou provisoirement,et,par extension,remédier à quelque chose« .Le verbe nous vient du bas latin palliare =proprement couvrir d’un manteau d’où le sens de « cacher ».
La première faute est une faute de sens :l’auteur a voulu dire que l’Egypte envisageait de construire une centrale pour subvenir à ses besoins d’énergie non pas pour « dissimuler un défaut » ou pour « remédier à » ses besoins énergétiques. L’auteur aurait dû écrire « pour subvenir à ses besoins énergétiques ».
Même si le verbe pallier avait été utilisé dans le bon sens,l’auteur a commis une deuxième faute,de syntaxe cette fois.Il a écrit « pallier à« .Le verbe est transitif.Comme les citations de Cocteau ou de Simone de Beauvoir le montrent, on pallie quelque chose et non pas à quelque chose.M.Picard aurait dû écrire: »pour pallier son manque d’énergie ».
Les mots français en anglais French words in English
Si nous luttons sans répit contre l’envahissement des anglicismes dans notre langue,reconnaissons aussi avec le professeur David Gaillardon que nombre de mots français sont couramment utilisés en anglais tels que femme fatale,voyeur,bidet,ménage à trois.
While we fight ceaselessly against the invasion of English words in French,let us explore with Professor David Gaillardon the number of French words that are used in English such as femme fatale,voyeur,bidet,ménage à trois.
Chiens et crocodiles
Si savoir pourquoi tant d’expressions utilisent le mot chien (en chien de fusil,chiens de faïence..) ou le mot crocodile vous intéresse écoutez l’émission du professeur Jean Pruvost sur Canal Académie.
Le bon usage: »fair », « challenge » et autres anglicismes
De retour d’une réunion du Cercle des Cadres Expatriés, Philippe O’Logue signale à notre attention deux mots, »fair » et « challenge » sur le bon usage desquels il souhaite avoir des éclaircissements ainsi que plusieurs « perles » attribuables à l’inattention des locuteurs.
« Fair »
L’emploi de ce mot dans cette phrase: « Ce n’est pas « fair » de refuser l’usage de la liste d’adresse … » est incorrect. Le mot « fair » n’existe pas en français. A la place, il faut dire soit « juste » ou encore « équitable ». En effet, par contraste, l’expression « You are unfair » se traduit bien par « Vous êtes injuste ». Mais, objecterons certains, n’employons nous pas en français l’expression « fair play » alors pourquoi pas « fair »? L’Académie française n’a pas voulu mettre cette expression dans son dictionnaire car, selon le Trésor de la langue française, il s’agit d’un anglicisme « mal assimilé dans notre langue ». Alors, a fortiori, le mot « fair » seul doit être banni!
« Challenge »
Lorsqu’un intervenant dit « déterminer la rentabilité des entreprises post crisis est un vrai challenge« , on sait que « post crisis » est tout simplement un anglicisme plus élégamment remplacé par » à l’issue de la crise » en français mais qu’en est-il du mot « challenge »? Ce mot existe bien en français mais pas dans le sens de la phrase. En français moderne un « challenge » selon le Trésor de la langue française est une » Épreuve périodique entre deux sportifs ou deux équipes pour la conquête d’un titre ou d’un trophée (coupe, statue, etc.) que le vainqueur garde en dépôt, puis cède au vainqueur d’une nouvelle épreuve. Lancer, gagner un challenge; faire disputer un challenge. ».Le sens sportif du mot nous vient de l’anglais : vers 1380 le mot anglais « challenge », emprunté au vieux français, avait pris le sens de « défi dans un combat ». En ancien français, le mot « chalongier » ou « chalengier » signifiait « chicane, attaque, défi » (XIIe s.).Le mot provenait du latin classique calumnia terme juridique « accusation fausse, chicane » formé sur le participe du verbe « caluor » = »chicaner, tromper » puis « réclamation, accusation, litige » en latin médiéval.
Ainsi, pour être correct, il convient d’employer le mot « défi » pour traduire « challenge » sauf si le contexte sportif permet l’emploi du mot « challenge ».
Autres perles
On ne dit pas « on n’est pas « flooded » » mais « on n’est pas inondé », « on demandera aux participants de « clearer » » mais » d’approuver », « le stimulus package » mais « le plan de relance », « un backlash politique » mais « un retour de manivelle » ou « une réaction négative », « on peut se retrouver avec les « sovereign funds » comme actionnaires » mais » avec les fonds souverains », « comprendre ce qui est operating et non-operating » mais » ce qui ressort ou non du résultat d’exploitation ».
Le bon usage: « trilliards » « trillions » et autres anglicismes
Récemment, mon ami Philippe O’Logue assistait à une réunion du Cercle des Cadres Expatriés, tenue, me disait-il, comme à l’accoutumée dans un grand restaurant de New York. Franco-américain, vivant dans un milieu anglophone, Phil a toujours veillé à ne pas mélanger les deux langues. Contrarié par ce qu’il décelait être soit des fautes de français soit tout simplement des anglicismes résultant de la paresse des locuteurs, il m’a soumis une liste de « perles » pour commentaires.
Trilliards
La crise actuelle nous oblige à jongler avec des sommes défiant l’entendement. Plusieurs intervenants, pour signifier « mille milliards » soit « trillion » au sens américain (trillion=1000 billions) ont utilisé le vocable » trilliard ».Est-ce une faute? Oui sans doute aucun: le mot n’existe pas dans notre langue dans ce sens. Face à une difficulté linguistique, ces intervenants ont crée un néologisme par emprunt et dérivation provenant de l’anglais: pour calquer la progression américaine de « million « à « billion » et à « trillion », ils ont allègrement progressé de « million » et « milliard » à « trilliard ».Notons que le mot « billion » pour signifier « milliard » est parfaitement accepté selon Le Trésor de la langue française .
L’usage du mot « trillion » pour signifier « mille milliards » a été également relevé, en particulier dans la bouche d’un expert financier français. Malheureusement, cet emploi n’est plus permis depuis 1948.Auparavant, quoique vieilli, le sens de « trillion » était « mille milliards« . Ainsi, le Capitaine Haddock dans Le Trésor de Rackham le Rouge aurait fort bien pu s’exclamer « un trillion de sabords » au lieu de » mille millions de mille sabords » mais l’effet n’eût pas été le même! Cependant, depuis la IXe Conférence générale des Poids et Mesures, réunie à Paris en 1948, le mot « trillion » pour les pays européens doit être utilisé dans le sens de » un milliard de milliards « soit 10 puissance 18.C’est la définition reprise par Le Robert.Il faut donc employer l’expression « mille milliards » pour traduire le « trillion » américain. On est donc en droit de se poser la question lorsqu’un journal, ou un locuteur, francophone utilise le mot » trillion « du sens voulu par l’auteur ou par le locuteur. Ceci est d’autant plus vrai que selon la même Conférence le mot « trilliard« ,certes d’un usage rare, doit signifier une quantité égale à 10 puissance 21 soit « mille millards de milliards »!Dans la même échelle,adoptée par le Royaume-Uni,le mot « billion » réfère à une quantité égale à 10 puissance 12 soit égale au « trillion » américain. Une autre illustration de l’observation de G.B.Shaw : »England and America are two countries separated by a common language. »
Dans les vicissitudes de la crise, nous ne pouvons qu’être soulagés que les « trillions » engloutis pour la rescousse de certaines sociétés n’aient pas eu le sens du Robert!
Compensation et rémunération
Phil nota qu’un intervenant, explicant comment la crise touchait les cabinets d’avocats, déclara que « la compensation des associés » avait subi une diminution. Il ne faut pas confondre « compensation » en anglais qui signifie « rémunération » et « compensation » en français qui veut dire » rétablir l’équilibre entre deux choses complémentaires ou antagoniste » ou, en droit et en finance, « annulation réciproque de créances, jusqu’a concurrence de la plus faible, lorsque les deux personnes sont respectivement débitrices et créancières l’une de l’autre ».
Autres « perles »
Phil nota quelques expressions qui, selon lui (et selon moi) relevaient de la paresse: « ma société termine l’année flat », « on a vu un shift », « nous vendons des produits qui ne sont pas inexpensive » ou encore, ô comble, « mon core business était down ».Il y a de quoi rester pantois devant un tel laisser-aller qui témoigne d’une imprécision croissante de la langue, voire de la pensée. Ceci est d’autant plus regrettable que l’éminence du français comme langue diplomatique et culturelle provenait de la précision de l’expression que l’on pouvait attendre d’elle.
Stipendier
Eradiquer et Eradicate
If you yearn to learn the difference between « eradiquer » and « eradicate » read eradiquer28-fev-2004
Realiser et realize
La soif et la retouche
la-soif-et-la-retouche-10-sept-20051
Posture
Opportunite
Racaille et rascal
A ce sujet, en matière de membre de l’Académie, ll se dit que le réputé libraire Gégé Collard, qui a fondé la librairie Griffe Noire, postule pour être à l’Academie Française .. Je suis convaincu que ça donnerait un 2nd élan à l’institution, foi de Saint Maurien. Qu’en penser ?
Bonsoir.
Au sujet de « par contre » et « en revanche », voici le lien de l’Académie française :
http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#par_contre
J’aime beaucoup pour ma part cette remarque de Gide : Trouveriez-vous décent qu’une femme vous dise : « Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils » ?
Au revoir.
Pascal Tréguer.